Textes et Documents pour la Classe, n° 721, 1er au 15 octobre 1996
Un numéro important par son contenu (mais entre nous, cette revue impressionne par le niveau de qualité de textes et de documents destinés simplement à un public scolaire !), et surtout, d'une brûlante actualité, à quinze ans de distance !
Le point. La cohésion sociale menacée |
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Alors que, dans les années 80, on parlait des nouveaux pauvres, la décennie 90 a imposé le terme d'exclus. Qu'est-ce qui explique ce changement de dénomination ? En quoi l'exclusion se distingue-t-elle de la pauvreté ? Approche d'un phénomène complexe qui a pris de court la plupart des sociétés industrielles.
Si le thème de l'exclusion s'impose ainsi sur le devant de la scène sociale, c'est que l'évolution du marché du travail en particulier et de l'économie en général ne permet plus d'assurer à chacun un emploi.
Mesurer la pauvreté ? Il n'existe pas de définition unique de la pauvreté. Parce qu'elle dépend du contexte économique et social, elle n'a pas le même sens en Afrique subsaharienne, dans le Nordeste brésilien et dans le nord de l'Europe ou de l'Amérique. toutefois, au début des années 1990, la Banque mondiale en a fixé le seuil à 400 dollars par an. (...) Au-delà de sproblèmes de définition et de comptabilisation, on notera qu ele flou qui règne en la matière est aussi un moyen de masquer l'augmentation du nombre de pauvres et donc d'en minimiser l'ampleur.
Un cliché, pris dans les quartiers Nord de Marseille en 1990 : sorte de raccourci des problèmes auxquels cette ville est aujourd'hui confrontée. Une usine désaffectée illustre bien la désindustrialisation des quartiers périphériques e le déclin des échanges méditerranéens. Les grands ensembles, autrefois symboles de progrès et de confort, sont désormais des quartiers de relégation. La dégradation matérielle accompagne celle de la vie sociale : désorganisation des rythmes sociaux due au chômage, éclatement des solidarités de voisinage, délinquance.
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Gros plan. La question du logement |
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La perte du logement est généralement l'étape ultime du processus de l'exclusion. L'observation de diverses données statistiques essaie de mieux cerner un phénomène par nature difficile à mesurer. Elle permet aussi de dresser le bilan des difficultés croissantes que rencontrent ceux qui, sans être des exclus, se trouvent en situation précaire.
Dans les années 80, la frénésie immobilière a favorisé la construction dans les centres villes d ebureaux, de sièges d'entreprises et de logements haut de gamme au détriment de l'habitat populaire. Les populations les plus défavorisées ont été reléguées vers la périphérie alors que la crise de l'immobilier laisse aujourd'hui vacants de nombreux immeubles. (...) On aboutit à ce paradoxe que de spopulations déjà précarisées par la crise ne trouvent pas à se loger alors que des locaux sont vides. Dans le même temps, les couches le splus aisées fuient la banlieue où ne demeurent souvent que ceux qui n'ont pas les moyens de la quitter.
En quinze ans, le taux de personnes insatisfaites de leurs conditions de logement, toutes situations confondues, a diminué. A une exception notable : les locataires de HLM, et plus particulièrement ceux qui résident en banlieue. Ils sont les seuls à considérer que leurs conditions de logement se dégradent... |
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Docs. Histoires et témoignages |
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J'ai dit à mes parents de ne plus venir me chercher à l'école... J'avais peur qu'on me voie avec eux et qu'on se moque de moi, tellement ils faisaient pauvres ! J'avais honte de mes parents. Pourtant, on habitait dans un petit village pas très riche. Mais on était encore plus pauvre que tout le monde. On habitait dans une caravane à la sortie du village. Certains, à l'école, nous appelaient "pouilleux", "crasseux"...
À l'école, j'avais un bon copain dans ma classe. À la récré, on était toujours ensemble. Mais lui, il habitait dans une villa, et moi dans une caravane. Ses parents ne voulaient pas qu'on se voie. Lui, il se moquait de ce que disaient ses parents, il faisait même le mur pour qu'on se voie. Du coup, ses parents l'ont mis en pension. On ne s'est jamais revus.
J'avais déjà eu affaire à la police pour quelques vols à l'étalage. Mais tu trouves ça drôle, toit, de manger tous les jours des pommes de terre, alors que le supermarché juste en face de la cité déborde de faux-filets et de jambons ? Moi, de temps en temps, je me sers. Là, il me fallalit des slips, alors j'en ai piqués douze our être tranquille toute l'année. (...) À la prison, on regardaiat la télé et on suivait les histoires de fausses factures, de détournement de fonds publics. Il y en avait pour des milliards et personne n'allait jamais en prison. On a essayé de chiffrer le butin de tous nos vols réunis (des vélos, des mobylettes, quelques autoradios... et douze slips). On s'est dit alors qu'on était vraiment bête, que, si on ne voulait pas aller en prison, il ne fallait pas voler des vélos, mais des milliards ! Du coup, ça nous a réconciliés avec les maths...! |
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Repères. Les mots de l'exclusion |
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Aliénation - Anomie - Cohésion sociale - Désaffiliation - Marginalité - Socialisation - Solidarité |
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