Mit Vergnügen [prononcer 'Fèrg-nUgoeun', avec oeu comme dans oeuf] : "avec plaisir", ou encore "tout le plaisir est pour moi".

Le plaisir en question est relatif à un programme d'initiation à l'allemand, concernant des élèves, ici d'une classe de Cinquième. Il s'agissait de se présenter en allemand, qui se dit : 'sich vorstellen' (en anglais, on dit : to introduce oneself, 'introduce' étant un "faux ami"), en utilisant le vocabulaire idoine : heißen (heissen) : s'appeler ; wohnen (habiter), conjugués à la première personne du singulier ; les nombres, pour pouvoir dire son âge (ich bin ... Jahre alt, ce qui correspond tout à fait à l'anglais : I am ... years old) ; et puis l'âge d'un ou deux parents (ma mère : meine Mutter ; mon oncle : mein Onkel) ; ainsi que la désignation du jour au calendrier : nous sommes le... : heute ist... (aujourd'hui est... Lundi, Mardi...) : Montag, Dienstag, Mittwoch, Donnerstag, Freitag, Samstag, Sonntag.

Là où on déchanterait presque, c'est en constatant - et en ce qui me concerne, ce n'est pas un scoop ! - à quel point certains adolescents sont incapables de fixer un mot écrit sur un tableau, et de le recopier correctement. Le fait est que les substantifs figurant dans le texte ont été préalablement écrits au tableau, de même que j'ai conjugué les verbes au présent de l'indicatif, le travail des élèves consistant à réaliser un puzzle sur le plan syntaxique (sujet, verbe, complément éventuel). Comme on peut le voir, bien des mots ont été sévèrement déformés ! Il s'agit là d'un phénomène que j'ai constaté il y a bien longtemps déjà, et il me semble que les enseignants (mais aussi les parents et autres psychologues) n'en apprécient pas toujours la gravité. Ex. j'écris au tableau "Sonne" (le soleil, prononcé 'zo-ne') et je retrouve sur les copies "Zone", ce qui veut dire qu'à peine l'élève a-t-il détaché son regard du tableau qu'il a déjà oublié la graphie du mot, n'en retenant que la réalisation sonore, en somme, la phonétique. Du coup, l'élève va écrire "en phonétique", en tout cas, de la manière la plus simplifiée possible.

Propension à simplifier la graphie des mots, oubli de la ponctuation, absence de concentration et de mémorisation..., j'ai, pour ma part, observé ce phénomène chez les adeptes des SMS, mais aussi des jeux vidéo, sujets très sollicités par une multitude de stimuli : une partie de jeu vidéo se caractérise par l'apparition sur l'écran d'une multitude d'alertes, de personnages ou d'événements auxquels le joueur doit prêter attention quasiment en même temps. Et l'on peut s'attendre à ce que les gadgets électroniques lumineux et sonores dont les jeunes d'aujourd'hui sont bardés, avec des sonneries intempestives par-ci, des vibreurs par-là, ou encore des LED se mettant à clignoter ici ou là, toutes choses conduisant à une dispersion de la concentration..., se traduisent par une amplification du phénomène, d'où l'allergie croissante pour les bibliothèques et autres lieux où les gadgets électroniques modernes sont interdits (bibliothèques, musées, etc.).

Alors, imaginez maintenant un sujet occupé à apprendre une leçon d'histoire-géographie, de sciences naturelles, de langue vivante ou de toute autre matière requérant de la mémoire : il va sans dire que les mots qu'il va lire vont être transformés dans son cerveau, voire mixés entre eux pour donner une espèce de salmigondis, comme on peut en voir sur moult copies d'élèves. Autre conséquence du phénomène : la pratique musicale recule. Lorsque encore étudiant, j'ai commencé à donner des cours particuliers à domicile, je croisais dans les salons des pianos, des harpes ("tiens, c'est une jeune fille !"), des saxophones... Des années après, les instruments de musique avaient été remplacés par les consoles de jeu vidéo... Il est vrai que le solfège est une école extrêmement rigoureuse de gymnastique intellectuelle : une note se trouve sur une ligne et pas sur l'interligne supérieur ou inférieur, et un dièse est un dièse, pas un bémol. Imaginez donc un malheureux quidam recopiant 'Sonne' en 'Zone', 'Onkel' en 'Oncel', 'Jahre' en 'Jhare', etc., comment voulez-vous qu'il s'en sorte avec des arpèges constitués de doubles, triples voire quadruples croches, par exemple ?

Illustration du phénomène de "déperdition mnésique" évoqué plus haut : ce jour-là, j'avais demandé à trois élèves (suivis à domicile) de recopier un texte d'Eugène Fromentin. Voir le résultat ci-dessous :

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Ci-dessous, même exercice, avec deux autres élèves. Vingt-six minutes pour l'élève de droite contre quarante-cinq pour celui de gauche, lequel commet un nombre assez impressionnant de fautes, oublis, hésitations...
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Comme on peut le voir, recopier un texte à l'identique n'est pas une procédure automatique ! En tout cas, l'exercice permet de révéler des "dysfonctionnements" qui n'apparaissent pas au premier abord, et surtout, souvent négligés car difficiles à détecter. Ce test, je l'ai baptisé "test du photocopieur ou du fac-simile " et l'ai copieusement utilisé durant toute la période que j'ai consacrée à la remise à niveau de sujets en difficulté scolaire, ce qui m'a permis, un jour, de dire à la mère d'Alexandre : "Je suis sûr qu'il joue !", tandis qu'elle me soutenait, mordicus, que son fiston chéri ne jouait jamais à la console, puisqu'il n'en avait pas à la maison ! En la regardant droit dans les yeux, j'ai maintenu mon affirmation : "S'il ne joue pas à la maison, il peut très bien le faire chez des amis, voire dans un cybercafé !". "Mais non !", répondait-elle avec véhémence. "Il rentre toujours à l'heure après les cours !". Et puis, un jour, en feuilletant un de ses cahiers, j'ai découvert un ticket de caisse émanant d'un cybercafé ; une adresse sise dans le quartier de la rue de la Pompe (Paris 16 ème), soit à quelques encablures du lycée (Janson de Sailly). J'ai montré le ticket à la mère, qui a baissé la tête. Et le fiston a dû avouer à sa petite maman chérie qu'il passait bien une partie de son temps libre dans cette boutique de jeu vidéo...

Il faut dire qu'Alexandre était un garçon assez agité, qui avait d'énormes problèmes de concentration, toujours en train de regarder à droite ou à gauche..., bref, affichant tout un tas de symptômes que j'avais décelés chez maints sujets "addicts" aux jeux vidéo. Bon, cela dit, cette année-là, pas plus que l'année suivante (Troisième), il n'a redoublé, mais j'avoue qu'il m'a donné du fil à retordre !

Et c'est là qu'on se rend compte qu'un quidam incapable de se concentrer sur quelques secondes - entre le moment où le mot est lu et le moment où il est recopié - aura le plus grand mal à mémoriser une leçon d'histoire, de géographie, une formule mathématique, une conjugaison, etc., à plusieurs jours de distance. Du coup, j'invite vivement tous les parents d'élèves à soumettre le test à leur progéniture, juste pour rire. Enfin, je me comprends !

Toujours est-il que nous avons, ci-dessous, la toute première rédaction en allemand réalisée par des élèves de Cinquième, pratiquant l'anglais en LV1. Autant dire qu'il y a à boire et à manger.

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And the winner is : Arnaud, thirteen years old... Quelques broutilles : "und" (= et) se prononce 'ount'... Sinon, ce n'est pas mal !
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